26 juin 2025
Gabarit_entete_article

Apprendre à respirer

Le souffle reflète notre état d’être, et plus nous le bonifions, plus nous progressons vers l’équilibre et la sérénité, conditions à même de favoriser un meilleur sommeil.
Par Boris Tatzky*

Le hatha yoga propose des techniques très utiles dans la vie quotidienne.
Sans vouloir empiéter sur la médecine, sa pratique peut aider à soulager certains problèmes, par exemple les difficultés de sommeil. Nous savons tous que la qualité du sommeil est un élément capital pour notre vitalité et notre santé psychique.
Lorsqu’elle est perturbée, une stratégie en deux phases indissociables, peut l’améliorer.
La première, la plus importante, consiste à entamer un travail de fond dont l’efficacité se fera sentir à moyen terme. Il faut agir sur le maximum d’éléments perturbateurs du sommeil.
En majorité, ce sont les activités qui le précèdent dans la journée ou la soi rée, une mauvaise digestion, un trouble de la santé, ou encore l’accumulation de tensions mentales conscientes ou non.
Nous allons insister sur ce dernier point. Le célèbre texte de la Hat ha-Yoga Pradipika met en lumière le rapport entre respiration et tensions mentales :

<< Lorsque le souffle est agité. l’esprit est agité. Lorsque le souffle est immobile, l’esprit est immobile, le yogi atteint la stabilité. C’est pourquoi l’on doit contrôler le souffle.>>
(HYP 11-2)

Le contrôle respiratoire – le pranayama -, est un moyen prépondérant pour agir sur l’amélioration du sommeil. Le contrôle et la suspension du soufle calment le tohu-bohu mental. réduisent l’agitation intérieure. Ils créent les conditions d’une meilleure attention, ils augmentent la faculté de lâcher-prise, de bien-être.
Pour obtenir un résultat qui va s’inscrire dans la durée, il convient de reprendre les bases du pranayama.

Apprendre à respirer

De prime abord , il faut se relier au souffle.

Il suffit de fermer les yeux et de porter son attention à l’entrée des narines. En restant immobile, ressentir le passage de l’air par le nez et allonger doucement la durée de l’entrée et de la sortie du souffle. Chercher à discerner les différences subtiles de sensations entre l’inspiration et l’expiration. Des exercices de libération du soufle seront ensuite nécessaires pour accéder au calme salvateur. Ils consistent à contrôler la respiration diaphragmatique. Bien pratiquée, cette dernière devient alors une alliée du bien-être, réduisant le stress et améliorant la quiétude et la vitalité. Son contrôle débute par la respiration abdominale.

La respiration abdominale

C’est une base essentielle que doit sans cesse approfondir tout pratiquant.

Savasana_genou_plieA

  • Au début, cette prise de conscience s’effectue à plat dos. Les jambes sont repliées, pieds à plat devant les fessiers, lombaires contre le sol, épaules basses, nuque allongée. Les mains sont placées sur l’abdomen, les coudes au sol. (A)
  • Expirer en rentrant doucement le ventre, puis le nombril et l’espace au-dessus du nombril, rapprochant les basses-côtes tout en refermant légèrement les sphincters de la zone anale et urinaire. Le centre du diaphragme remonte, augmentant le massage viscéral.
    Au début, le contrôle des sphincters est destiné à tonifier le plancher pelvien.
  • Inspirer en relâchant les sphincters et l’abdomen, qui revient vers l’avant, à la limite de son point de départ avant l’expiration, sans le gonfler au-delà.
    Poursuivre le mouvement de l’ inspiration en poussant le souffle en arrière vers les lombaires. Ce mouvement vers l’arrière est important, il permet en effet de gainer la sangle abdominale, de protéger les viscères. Le diaphragme redescend de lui-même. Vérifier que la poitrine bouge le moins possible, le souffle doit demeurer principalement localisé dans l’abdomen.
  • Expirer à nouveau en fermant doucement les sphincters anal et urinaire, rentrer le ventre, le nombril, l’espace au-dessus du nombril et rapprocher les basses-côtes. Le diaphragme remonte de lui-même.

L’expiration est active, l’ inspiration est passive. Cette base étant acquise, il devient possible de s’engager dans la pratique de prana yuktam.

Prana yuktam, la justesse du souffle

Prana yuktam est le nom sanskrit que nous avons donné au maintien constant et primordial d’une sensation de bien-être dans la pratique respiratoire, évitant toute sensation d’oppression ou d’essoufflement.

1er degré. La pratique de base : souffle lent, régulier, ample et lumineux

  • Allongé sur le dos dans la posture de la Grenouille couchée (Supta Mandukasana), les jambes sont repliées, les plantes des pieds jointes et les genoux descendus sur les côtés.
  • En s’aidant des mains, enrouler le bassin pour plaquer les lombaires contre le sol. Puis étirer la nuque, menton rentré. Les mains sont sous la tête, les coudes descendus au sol sur les côtés. Abaisser les épaules, la colonne vertébrale doit être alignée.
  • Améliorer la qualité du souffle en respirant plus lentement, plus régulièrement et avec une meilleure amplitude.

Ces trois éléments forment la base du prana yuktam et sont fondamentaux et doivent être perfectionnés assidûment.

2ème degré. Mettre en place la notion du lieu de concentration de la respiration

  • Localiser chaque expiration en quatre phases dans l’abdomen, en rentrant, dans l’ordre suivant: les sphincters, le ventre, le nombril et l’estomac. Les pieds pressent dans le sol vers l’avant pour plaquer complètement la région lombaire sur le tapis. (B)
    Savasana_papillon
  • Localiser chaque inspiration dans la poitrine, lente, régulière, en montant le sternum, élargissant les côtes, pressant le sol avec les épaules et relâchant la pression des pieds sur le sol. Les lombaires se creusent légèrement. (C)
    Savasana_papillon_doscreux
  • Introduire de brèves suspensions de deux secondes environ entre chaque phase de la respiration.

La localisation de l’expiration en quatre phases dans l’abdomen permet un massage du plexus solaire qui réduit les tensions internes, stimule la zone digestive et améliore les fonctions d’élimination, liées à l’énergie apana. Progressivement l’expiration est vécue telle une onde apaisante qui irrigue tout le corps.

La localisation de l’inspiration, qui emplit la poitrine, met en mouvement l’énergie prana, l’absorption de la vitalité. Elle réduit la poussée de l’air sur les viscères, l’abdomen se relâche mais ne doit pas se gonfler comme une boule. Ainsi, la conjugaison de ces deux soufles-énergies – prana et apana -, active le processus d’élimination et d’assimilation pour améliorer le bilan énergétique du pratiquant et favoriser l’équilibre intérieur.

3ème degré. Introduire l’évocation de la lumière, prakasha

Chaque inspiration et chaque expiration sont imprégnées d’une visualisation lumineuse, vécue comme bénéfique et qui emplit le pratiquant. Tel un musicien qui, chaque jour, retravaille ses gammes avec son instrument, l’apprenti yogi doit exercer quotidiennement son souffle avec la technique de prana yuktam. Il constatera que sa respiration s’améliore progressivement.

Prana yuktam contre l’insomnie

Cela étant réalisé, la seconde phase consiste à agir au moment même où le sommeil devient difficile.

À plat dos, éventuellement dans le lit, se détendre avec une série de respirations lumineuses en prana yuktam comme précédemment.

Puis commencer à rythmer la respiration, en restant localisé dans l’abdomen. Pour inspirer, compter mentalement, lentement jusqu’à 4, marquer un temps bref de complet repos sans compter. Puis expirer en comptant également jusqu’à 4, et marquer un bref temps de repos avant de reprendre la nouvelle inspiration en quatre temps.

Le souffle est lent, régulier, imprégné d’une lumière douce, avec une sensation de bien-être à chaque expiration.
Poursuivre plusieurs minutes en diminuant l’effort mental, comme si l’exercice se faisait de lui-même.
La pratique s’arrête d’elle-même lorsque le sommeil affleure. Si tel n’est pas le cas, reprendre tranquillement.
Parfois le sommeil n’est pas immédiatement au rendez-vous, mais il faut chaque jour persévérer. La détente induite par l’exercice reste très bénéfique pour le système nerveux et pour la récupération de la vitalité.

Source : Yoga journal n°25